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Zoé, taillée pour la musique

Zoé, taillée pour la musique

Figure du monde de la culture, du Rocher Palmer précisément où elle officie depuis bientôt 20 ans en tant que médiatrice culturelle, programmatrice et chargée d’accompagnement de la scène locale, Zoé de La Taille a l’oreille aussi fine qu’un enthousiasme toujours grandissant pour les « musiques de rue ». Micro branché pour l’entendre chanter les louanges de son métier. Charlotte Saric

Lorsque arrive l’heure de se remémorer les souvenirs qui font de chacun de nous des êtres comblés, pense-t-on à la première fois où on a fait du vélo sans les petites roues, plongé dans le grand bain, obtenu un 18/20, ou entendu Liquid Swords de Gza ? Pour Zoé, c’est quand elle découvre le hip hop US, qu’elle embrasse sa culture, que commence à se dessiner ce que sera son futur. Nous sommes à Tivoli, il pleut des cordes, alors les collégiens se terrent dans le foyer et un copain de jouer le premier morceau de Liquid Swords. Ça la « bouleverse ». C’est ce qui s’appelle un souvenir ! Avant de s’armer de ses propres références et coups de cœur, qu’elle cueille aussi grâce aux échanges, elle plonge dans le bain musical par le truchement de son grand frère et de sa grande sœur, tous deux musiciens. Entre les murs de la maison familiale, on entendait résonner du jazz, de la bossa nova mais aussi Iron Maiden, les Beatles et Noir Désir. 

IAM – C2C- ZAMDANE 

NTM, Mc Solaar, IAM ont provoqué ses premiers émois. À propos du groupe marseillais, elle avoue les avoir vus en concert plus d’une dizaine de fois. Mais c’est toute la culture rap et hip hop dans son ensemble qui la séduit, elle aime le breakdance, les battles. Zoé grandit, et dans le même temps les K7 disparaissent, on commence à s’échanger des CD. Les discothèques des uns nourrissent celles des autres. Dans son lycée, il y a peu de rappeurs, plutôt des rockeux, des punks, des types qui font du ska. Avoir l’oreille attentive et l’enrichir, c’est tout sauf se référer à un seul dieu, prêcher pour une seule paroisse. La musique est une religion résolument polythéiste. On peut prier Bob Dylan et Zamdane. Pourquoi ce dernier ? Parce que justement, c’est l’un de ses coups de cœur de l’année. Comment faire pour les repérer ? Écumer les festivals (où elle repère une toute jeune Clara Luciani) et les SMAC bien entendu, mais aussi écouter ce que recommandent son neveu de dix ans, ses stagiaires ou des grands-parents. Croire en soi aussi parfois. Comme lorsqu’en 2008, on lui laisse carte blanche pour sa première programmation dans les murs de Barbey et qu’elle fait venir en première partie d’Hocus Pocus, un groupe qui se nomme Coup 2 Cross, qui cartonnera plus tard sous le nom de C2C. 

Programmatrice kantienne 

Rewind sur la bande-son de sa vie. Lorsqu’elle quitte Tivoli, fraîchement diplômée, son avenir n’est pas encore tout tracé, elle n’a pas trouvé sa « voix ». Un bon conseiller l’oriente vers la communication, s’ensuivent quelques stages autour de la musique, notamment avec Côte Ouest et la rencontre d’une fée en la personne de Philippe Gomis. Une incursion parisienne en maison de disque plus tard, elle revient à Bordeaux pour faire un IUT en gestion de l’action culturelle. Elle retrouve alors une belle endormie plutôt réveillée grâce à ses lieux nyctalopes que sont le Zoobizare et le 400 notamment. Elle rencontre Patrick Duval qui la prend en stage pour Musiques de Nuit en 2006, le Rocher n’est pas encore sorti de terre, mais elle fera bientôt partie des fondations de cette maison, car elle y est ensuite embauchée. En tant que médiatrice dans un premier temps, viendront plus tard les cordes d’accompagnatrice et de programmatrice à ajouter à son instrument. 

À Cenon, elle passe ses journées, et de très nombreuses soirées (en 2022, la salle a programmé 181 concerts) qui sont très franchement variées. En effet, chez Zoé, il n’y a nullement la propension à se considérer comme un étalon du bon goût et un ayatollah audiophile. Au contraire, elle se remet toujours en question. Face à une salle qui n’est pas comble, elle sait aussi qu’elle a fait son travail, qu’elle a mis en lumière un artiste qui le méritait et qui, sur sa prochaine tournée, jouera à guichets fermés probablement. Programmer aussi des choses qui ne sont pas sa « tasse de thé » parce que tout est question d’équilibre : d’une part, offrir un agenda qui plaît à beaucoup, et d’autre part, faire entrer de l’argent pour justement se permettre des concerts à perte mais qu’on a envie de défendre. Ne jamais être sectaire. 

« J’aime les gens qui doutent » conclue-t-elle. Néanmoins, nul doute qu’on a envie de la voir longtemps derrière les grilles de Palmer. 

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