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Noël : la magie pour certains, une angoisse pour les autres ?

Les fêtes de fin d’année approchent, et, si, pour beaucoup, elles sont le symbole d’une joyeuse célébration familiale, pour d’autres elles sont loin d’être synonymes de sérénité, de cadeaux glissés sous le sapin, et de paillettes disséminées.

The Bear, saison 2, épisode 6. Le spectateur est partie prenante du huis clos qui se joue dans la maison familiale de Carmen. Dès le départ, la mère est à deux doigts de mettre le feu à la cuisine, le frère aîné tente d’aider, Carmen est dans un coin, démuni, les uns et les autres échangent dans les pièces. Une véritable scène de théâtre, où chaque personne – à l’image d’une famille – a son rôle à jouer. Puis, tout dégénère jusqu’à la scène finale (ou devrait-on dire, la Cène ?) qui voit la mère de Carmen quitter la table, prendre sa voiture, et traverser le salon à bord du véhicule. Si ce (spectaculaire) épisode illustre de manière ostentatoire les dérives d’un repas de Noel, il questionne, aussi, sur le niveau d’angoisse ou de joie qu’une telle réunion de famille peut provoquer. Entre celle de se retrouver ensemble pour certains, à l’ennui profond de trouver des idées de cadeaux pour d’autres, jusqu’à l’anxiété que peut causer cet événement, quelle est la place que l’on accorde à Noël ? “Ce qui caractérise les fêtes de fin d’année, que ce soit Noël ou le 31 décembre, c’est qu’ils sont un concentré de mille choses, comme une boule à facettes : certaines brillent, d’autres moins” pose d’emblée Florian Porta Bonete, médecin psychiatre au centre hospitalier Charles Perrens à Bordeaux. Mais, précise le thérapeuthe, pour beaucoup, “c’est une période de joie, de plaisir, de retrouvailles”. Certains vivent pourtant l’arrivée de l’événement annuel avec une certaine inquiétude : menu, idées politiques, anciennes querelles de famille refont surface, Noel est-il un moment de déchirement cathartique ?

Cadeaux, mode d’emploi

Dans la famille de Vincent* (les personnes citées ont préféré ne pas divulguer leur nom), la dernière célébration familiale a été le “Noel gate”. Chaque année, sa petite sœur, seule fille d’une fratrie de quatre, envoie une liste détaillée et exhaustive des cadeaux que son conjoint aimerait. Et vice versa, son conjoint partage sa liste à elle. Le couple attend de ce moment une profusion de cadeaux et d’attentions, qui a été brisé par l’un des frères de la fratrie, Benoît*. Il ne lui a rien offert, las de ces considérations obligatoires. Mais sans qu’aucun dans la famille ne se risque à le relever. Après des semaines de froid en tout genre, Vincent a finalement brisé la glace, appelé sa sœur blessée du comportement de Benoît. Et sans surprise, le fond du problème n’était pas ce cadeau, symbolique. Mais la considération dont souffre parfois la petite sœur, dans cette famille nombreuse. Pourtant, malgré ce “Noel gate” et la complexité familiale qui revient comme une ritournelle, Vincent adore Noel. Il aime ces réunions de famille, l’atmosphère, la période. “Les fêtes portent bien leur nom” abonde Florian Porta Bonete qui rappelle qu’elles sont souvent d’une “tonalité agréable et positive”, celle de se retrouver, ensemble.

Le marathon

Pourtant, Marie*, compagne de Vincent, ne partage pas du tout cet avis. Elle n’aime pas “l’avant, qui génère beaucoup de stress, notamment pour les cadeaux, tout le monde interroge sur ce que l’on offre, et à qui”. Mais aussi ce “marathon, il faut impérativement qu’on se rende disponible pour la famille” ajoute-t-elle. Sans oublier le “marathon des repas”, avec sa profusion de viandes, de poissons, de desserts. “Au final, je trouve ça hyper stressant, c’est une période où je me sens moins sereine dans ma tête” poursuit Marie. “Les moments à table, en famille, je ne les remets pas en question. Mais tout le stress d’avant, c’est autre chose” argue-t-elle. Le psychiatre concède en effet que pour certains, c’est parfois plus complexe. “C’est une période de contraintes, comme une liberté aliénée, avec une valeur d’obligation qui peut être désagréable”. Pour ceux qui souffrent de maladies psychiques, en particulier de dépression et d’anxiété, la période peut être de surcroît particulièrement difficile à appréhender. En outre, les fêtes sont aussi une période où l’on peut faire des excès – d’alcool notamment – qui, “lorsque l’on est déjà dans une situation de détresse, va être défavorisant” développe le thérapeuthe. Sans oublier que cette période s’opère dans un contexte de début d’hiver, où les journées sont courtes, la lumière peu intense, une période de dépression saisonnière pour certains.

Une obligation sociale

Depuis maintenant 14 ans, Audrey ne fête plus Noël en famille, avec sa mère et ses sœurs. Aînée d’une fratrie de trois, si la jeune femme de 33 ans entretient des rapports corrects avec sa famille, elle ne se sent pas “à sa place”, et préfère privilégier une soirée seule. “Noel n’est pas censé être une source de stress” confie Audrey. “Je trouve qu’avec ma famille, on ne partage rien, c’est se forcer que de se voir à Noel” complète-t-elle. Alors, elle profite de cette période de fêtes pour penser à elle, et faire de la magie de Noël un moment privilégié … avec elle-même. “J’aime relire un conte de Noel de Charles Dickens, je me prends un film de Noel à la bibliothèque ou je regarde Friends, je me fais un plat qui me fait plaisir” détaille la jeune femme. Ce qu’elle aime aussi, à ce moment de l’année, c’est que tous sont occupés à faire autre chose, “donc c’est une bonne chose de prendre du temps pour soi”. Car, conclut-elle, “au bout d’un moment, il faut penser à soi, et ça ne vaut pas le coup de se mettre dans des états pareils” et subir le stress que peuvent offrir les célébrations de décembre. D’ailleurs, si Florian Porta Bonete pouvait donner un conseil à tous ceux qui appréhendent ce moment familial délicat, ce serait de “s’autoriser à s’écouter, y compris à une période où ça se questionne” comme le fait objectivement Audrey. Alors, le thérapeuthe l’annonce sans détours : “même au cœur d’un moment où les convenances sont là, sentez-vous libres !”. A bon entendeur.

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