Rénovation du Krakatoa : une nouvelle éruption
Pour de nombreux habitants de la métropole, le Krakatoa n’est pas un volcan indonésien dont la dernière éruption a produit le son le plus fort jamais enregistré, mais un lieu de culture où les géniaux concerts sont pléthores depuis maintenant trente quatre ans. A cet âge où les humains n’ont pas encore de nombreuses rides, le béton lui, commence à vieillir et donc mérite de faire peau neuve. 2025 sera donc l’année du lifting. Charlotte Saric
Le bâtiment des années 60, était à l’origine une salle municipale de Mérignac où bals populaires, lotos et autres moment de fédération se tenaient. Trente ans plus tard, alors que le Mur de Berlin s’effondre, Transrock vient faire sa proposition culturelle et commence à investir le lieu, qui devient, dès lors, protéiforme. Nous sommes au début des années 90, Jack Lang est ministre de la culture, le rock fait la fierté des bordelais, et un peu partout en France les SMAC (Scène de musiques actuelles ) commencent à germer.
Trois décennies de souvenirs
Mars 1990, c’est un groupe de Nevers les Shredded Ermines qui foule la scène mérignacaise pour le 1er concert. Depuis, il y en aura eu environ 1000. Didier Estèbe, le directeur du lieu, ne peut se résoudre à aimer un de ses enfants davantage qu’un autre. Et, depuis 34 ans, ne retient pas une soirée en particulier, plus mémorable qu’une autre, un concert plus magique qu’un autre même si les nombreux gigs de Macéo Parker ou H-Burns viennent régulièrement rythmer la salle, même si l’enthousiasme face à une PJ Harvey était dingue, même si Muse jouait à l’époque devant à peine 800 personnes, même si Oasis a annulé trois fois, même si les Hyènes en acoustique… Ils sont tous là, floqués sur le sol de l’entrée dans des tailles de police identique à rappeler qu’ils sont passés par le Kraka. Bientôt, cette dalle sera démolie mais ce nuage de noms retrouvera une place sur les murs du Krakatoa rénové. Y seront toujours accrochées les iconiques photos au collodion de Pierre Wetzel. C’est qu’en plus de trente ans, y sont passés du monde et pour certains, somme toute assez nombreux, le transfèrement entre l’accompagnement et la salle comble a été couronné de succès.
Diffusion, accompagnement et médiation
C’est que le lieu, en tant que SMAC, est tripartite. Il y a les concerts bien sûr, vitrine de cette émulation culturelle, la médiation culturelle organisée main dans la main avec la mairie de Mérignac et qui mène des actions retentissantes, et l’accompagnement avec la Pépinière qui a pour dessein de professionnaliser des artistes ou groupes émergeants. Ça a été le cas d’Odezenne, d’Équipe de Foot et bien d’autres encore. D’aucun s’accorde à affirmer que cette chance là qui leur a été donnée au sein du Krakatoa est incroyablement vertueuse. Qu’il n’y ait aucune forme d’inquiétude sur la pérennité de ce projet malgré les travaux de rénovations, car le Krakatoa, habitué des actions “hors les murs” ne va cesser de faire fourmiller la pépinière notamment avec des résidences qui auront lieu à Sortie 13. Quant à la partie diffusion, elle sera prise en hébergement par les autres salles des alentours, Barbey, le Rocher Palmer, le Pin Galant ou encore à Arès, Saint Jean d’Illac ou Bruges pour environ 25 évènements qui auront lieu pendant les quatorze mois de travaux annoncés.
Plus grand et plus vert
Voilà donc que, pendant plus d’un an, on aura moins de chance d’oblitérer son ticket de tramway pour aller jusqu’à Fontaine d’Arlac. Néanmoins lorsque les portes ouvriront, on pourra plus facilement y garer son vélo, car, entre autres choses, les arches seront multipliées, y compris pour les cargos. L’installation de panneaux photovoltaïques permettra au nouveau bâtiment d’être sobre et passif (hors soirs de concert). La possibilité de récupérer les eaux de pluie pour les WC, même si cela reste interdit par un décret gouvernemental pour le moment, reste dans les tuyaux. Le projet, et il en va de la volonté de la mairie autant que de Transrock, c’est de faire du Krakatoa nouvelle génération un édifice en cohérence avec les préoccupations écologiques de son temps. Si en 90 on peut dire que c’est Transrock qui s’est adapté au lieu qu’était la salle municipale d’Arlac, au milieu de ce nouveau millénaire c’est la salle qui s’adaptera aux missions de l’association, c’est Vanessa Fergeau-Renaux, adjointe déléguée à la culture, qui le dit. Une confirmation de l’extrême fluidité de cohabitation qui se fait depuis des années entre ces deux entités. Également un constat commun qu’il était temps de cette rénovation, qui va couter presque huit millions d’euros. Ainsi que le rappelle Didier Estebe : “on co-construit toujours avec nos interlocuteurs”.
En renaissant, ce volcan, qui va augmenter sa jauge de grande salle de 1200 à 1500 personnes et va créer une autre petite salle de 400 places pour les scènes Découverte, va venir pallier un manque de ce type de gabarit qui fait qu’aujourd’hui certains tourneurs ne s’arrêtent plus par Bordeaux et alentours. Car entre la plus grande salle du Rocher et l’Arena, il n’y a pas de salles intermédiaires. “Avec cette jauge on est complémentaire du local et une bonne réponse pour les tourneurs.” Tout en gardant sur le cahier des charges des éléments qui ont fait la notoriété du Kraka : une excellente acoustique et une distance maximale au point de micro de 21 mètres au plus. Parce que oui, ici, les concerts sont conviviaux et toujours malgré les sold out, un peu intimistes. En somme la volonté respectée c’est “de conserver l’âme du Kraka dans ce nouveau bâtiment.” On réserve déjà nos futures places?
instagram : @krakatoa_33
Réouverture prévue en mars 2026