Pignon sur rimes
Tout à la fois poète et cycliste, autant sur les réseaux à jouer avec ses mots, que dans les cols pyrénéens sur la selle de son vélo, Pierre-Nicolas Marques s’évade avec les tours de France, d’Italie… et dans les tomes de Sylvain Tesson ou Jack Kerouac. Il vient de publier son premier roman, Mémoire en roue libre, un récit de voyage et de dépassement, écrit sur le bord de la route, dans un style superbement enlevé. Charlotte Saric
En exergue, il emprunte à Gabriel Garcia Marquez cette citation : « La vie ce n’est pas ce qu’on a vécu, mais ce dont on se souvient ». Prendre la plume pour graver à l’encre est donc le meilleur moyen de conserver, de consigner les grands hauts de la vie et les bas aussi. Le chemin qu’emprunte alors le Marquis des Mots, sera sinusoïdal, à l’image des montagnes qui accueillent son passage : l’envie de partir après une rupture amoureuse, (niveau inférieur) et pédaler pour récolter des fonds pour la lutte contre Alzheimer (niveau supérieur).
Souvenir du Tour
Pendant son enfance, il passe les mois de juillet chez sa grand-mère. C’est elle qui lui donne le virus du deux roues, lorsqu’elle cabane les volets du salon dans l’après-midi et allume la télévision pour lui faire découvrir Richard Virenque ou Mark Cavendish. Il rencontre d’ailleurs ce dernier lors du passage du Tour à Libourne l’année dernière. C’est une explosion de joie pour celui qui discute avec son idole après avoir sauté des barrières et se rapprocher de lui alors qu’il a la clavicule cassée suite à une chute de vélo. « Vivre véritablement, c’est faire de l’avenir un souvenir. » Celui-ci sera marquant. Cet épisode est révélateur de la personnalité de l’auteur. Il avait un objectif : rencontrer le coureur qu’il admire, qu’importent les agents de sécurité, les barrières et sa blessure qui l’empêche de se mouvoir. Atteindre son but comme on atteint un col. S’arracher pour aller vers son objectif. Il en va de même pour la littérature.
Objectif à atteindre
En effet, il cherche à se faire publier et entame une entreprise de séduction auprès de nombreux éditeurs avant même d’avoir posé le point final de son manuscrit. Ce sont les éditions Cairn qui remarquent le potentiel du futur romancier, de celui qui, entre les lignes d’étapes de Perpignan à Biarritz se raconte, raconte sa passion pour ces moyens de locomotion en carbone qu’il affectionne. « Ces drôles de bécanes, aux guidons en forme de cornes de béliers, aux roues si fines et à la ligne épurée, sont de véritables machines à oublier les chagrins. » Si pédaler lui permet d’oublier, il pédale aussi pour que les autres espèrent un jour ne plus avoir la mémoire qui flanche, et avec ses comparses, fait ce voyage mu par un objectif caritatif, celui de lutter contre la maladie d’Alzheimer. In fine, tout au long de leurs 800 kilomètres de route, ils récoltent plus de 2000 euros.
Vélo méditatif
Trouver refuge dans la lecture, c’est souvent la panacée. Rouler aussi, c’est un moyen de s’évader. Pierre-Nicolas continue de sortir trois ou quatre fois par semaine et avale près de 400 kilomètres. Parfois en groupe, mais le plus souvent seul, il emprunte les routes de l’Entre-deux-Mers, fonce vers Sauveterre-de-Guyenne sans oreillettes, car c’est pour lui un moment de méditation où il communie et a besoin d’être attentif à la nature alentour. Pour lui c’est « une façon de rêver, de contempler et d’admirer la nature ». Il est vrai que le vélo est en partie lié à la notion de terroir, de paysages, de territoires. C’est également « un sport d’équipe qui se pratique seul », et en somme, un véhicule de rencontres. Il en narre de belles tout le long de son parcours dans les Pyrénées au fil des pages de ce roman aux récits enchâssés, entre bilan d’étape et journal intime de souvenirs. Mémoire en roue libre, ou comment porter haut le maillot à pois, aussi haut qu’un beau stylo.
Mémoire en roue libre, de Pierre-Nicolas Marques, aux éditions Cairn, 360 pages, 17 €, parution avril 2024.