Théo Lapouge, le Bordelais qui veut révolutionner l’industrie du sport
Ancien sportif de haut niveau, Théo Lapouge a monté la marque Sensus, qui ambitionne de créer les vêtements de sport « du futur » : techniques, éco-responsables et made in France. Convaincu de son concept et soutenu par une clientèle croissante, le jeune Bordelais fait bouger les lignes d’un secteur encore timide en matière d’environnement. Laurène Secondé
L’entrepreneuriat est une course de fond et Théo Lapouge est bien placé pour le savoir. Ce Bordelais d’adoption, originaire de Tours, a fondé sa propre marque de vêtements running, fort de son expérience de terrain et de ses années à avaler les kilomètres. À seulement 24 ans, il incarne à travers sa marque Sensus toute l’ambition de cette nouvelle génération consciente des enjeux environnementaux actuels et de ses propres responsabilités dans le domaine.
L’histoire débute il y a quelques années, baskets aux pieds. Coureur de demi-fond, sélectionné à plusieurs reprises en équipe de France, Théo participe notamment aux Championnats du monde de cross-country, une discipline exigeante, au contact de la nature. Il s’inscrit en parallèle en école de commerce à Bordeaux et complète son emploi du temps, déjà bien étoffé, en planchant sur la création de chaussures pour Adidas. « Le problème dans ces grosses machines, c’est qu’il est impossible d’y développer des projets associant des matériaux différenciants et écoresponsables. L’idée n’étant pas rentable, elle ne peut pas devenir une priorité ». Désireux de prendre son envol, le jeune homme refuse une proposition de CDI pour monter sa propre boîte. En abandonnant, par ailleurs, sa carrière sportive. « On ne peut pas être un bon athlète en même temps qu’un bon entrepreneur ».
Jogging et surjeteuse
Riche de ses apprentissages complémentaires, Théo lance Sensus, avec la volonté de produire des vêtements « bons pour les gens et pour l’environnement ». Expert en chaussures, mais pas en technique textile, il prend l’initiative de se former à la couture, en s’inscrivant pendant plusieurs semaines à l’Atelier des nuages, rive droite. « Pourquoi faut-il un col ou des manches à un haut ? Quel matériau utiliser à tel endroit ? À ce moment-là, je n’ai pas d’autre choix que de me former. Et je commence par des taies d’oreiller et des tote bags ». Mais le temps presse et Théo, qui roule sur ses deniers personnels, a besoin d’accélérer la cadence. Pleinement investi dans sa mission, il achète une surjeteuse, une recouvreuse, une machine à chaux et une presse à chaux (« pour floquer les logos »). Commence à dessiner ses propres patrons de papier, les découpe (« comme avec une roulette pizza ») et entame ses premiers assemblages. « Je vais chez Mondial Tissus, je prends trois mètres de polyester. Et je progresse. »
Objectifs écoresponsables en tête, il adapte ses premières productions à du tissu sourcé en bouteilles de plastique recyclées. « Nous sommes début 2022. Je couds la journée. Et le soir, je vais courir avec. Je rentre de mon footing, je prends une feuille, je note ce qu’il faut modifier. » Consciencieux, il corrige le tir, soir après soir, et modifie ses patrons pour enfin créer « le t-shirt de course parfait »… à empreinte carbone basse. La gamme s’étend peu à peu, intégrant ensuite un cuissard et prenant soin, naturellement, de proposer une offre féminine, testée à son tour pendant plusieurs semaines par une joggeuse.
Pente ascendante
De fil en aiguille, le Bordelais fait son nid et attire une communauté de sportifs particulièrement réjouis de leur découverte. Après une première participation au Salon du Made in France 2022 de Bordeaux, sa marque se vend désormais dans des boutiques de running et sur un site de e-commerce qui lui est dédié. Conforté par ses premières ventes, Théo Lapouge élargit le panel des matériaux avec lesquels il travaille et lorgne sur les matières végétales qui, en plus de lui assurer une production éco-responsable, possèdent des vertus pratiques pour les coureurs. « Nos vêtements contentaient déjà les sportifs à la peau sensible, voire allergiques. On a décidé d’aller plus loin avec un t-shirt fabriqué à partir de graines de ricin, antibactérien et anti-odeurs ». Une illustration concrète de la vision de l’entrepreneur qui, fidèle à sa ligne de conduite, s’échine à travailler tant en faveur de l’environnement que du confort des joggeurs.
« C’est essentiel pour Sensus de sortir de la dépendance au polyamide, qui est un dérivé du pétrole. Cette matière est un fléau pour l’environnement mais aussi pour la peau, en émettant des microparticules de plastique pendant le footing et au lavage. » Consciencieux, bosseur acharné, Théo Lapouge accorde également une importance toute particulière à l’accessibilité de ses produits. Concentré aujourd’hui sur la vente en ligne exclusivement, l’ancien athlète devenu entrepreneur écolo entend continuer sa route dans une démarche toujours plus vertueuse. « Nous travaillons actuellement au développement d’une gamme hivernale ainsi qu’à celui d’une brassière de sport pour femmes. Côté matériaux, on mise sur des propositions encore plus exotiques qu’avant. » De l’histoire à suivre à la success story, il n’y a qu’un pas. Celui que Théo Lapouge, définitivement prêt à mouiller le maillot, semble tout près de franchir…