J’ai testé pour vous la danse thérapie
Quelle activité avez-vous toujours rêvé de pratiquer sans oser vous lancer ? Au diable les complexes physiques, la timidité ou la peur du regard des autres ! Bordeaux Madame s’engage à tester les disciplines qui attisent la curiosité, avec un credo en tête… celui de l’acceptation de soi. Laurène Secondé
Rendez-vous est pris au Bivouac de Darwin, le nouvel espace de l’écosystème le plus apprécié de la rive droite, dédié aux activités de bien-être. Je suis accueillie par Lucile Denaës, ma future prof en danse thérapie (qu’on désigne également par « danse intuitive ») dont la chaleur et l’enthousiasme me rassurent un peu. Peut-être a-t-elle déjà saisi les inquiétudes qui me traversent ? Parce que c’est bien aujourd’hui que j’ai décidé d’attaquer mes traumas jusqu’à la moelle, en dansant devant une poignée d’inconnues.
Lucile m’explique que la majorité des participantes ont toutes un profil assez similaire : elles dansent un peu dans leur chambre, un peu en soirée, entre copines… Mais n’osent pas vraiment se lancer. Je repense en souriant aux sessions de « danse contemporaine » que mon ancienne colocataire Juliette et moi lancions sur un coup de tête pour décompresser d’une rude journée, à l’époque. La chanson Chandelier de Sia résonnant à fond dans le salon et nous deux, tentant vivement de reproduire quelques pas volés à Fauve Hautot. Facile à faire avec Juju, mais plus compliqué à envisager devant des personnes que je ne connais pas… Encore une fois, Lucile modère mes intentions. Ce soir, il ne s’agit pas de me mettre à nu publiquement, mais bien de me reconnecter à mon vrai moi en acceptant de bouger de toutes les façons possibles, sans jugement des autres. Inspire, expire.
S’autoriser à danser
Toutes regroupées en cercle, Lucile nous annonce la thématique du jour : « Lignes ». Immédiatement, je m’imagine raide comme un piquet (ou la lettre -i) en train de sauter partout, bras contre corps. L’exercice se révèle en fait plus technique et moins névrosé. Sur une playlist dont j’ai envie de shazamer la totalité des titres, nous devons enchaîner, chacune dans notre espace, cinq figures de notre propre invention. Chacun de nos membres doit être tendu : pas de mou, pas d’ondulation, uniquement du saccadé. Le rythme s’accélère, les enchaînements aussi. Cette mise en corps a le mérite de me faire rire et enfin, je me décrispe.
Tout en maintenant nos cinq mouvements, on nous demande ensuite de varier nos transitions : nous devons enchaîner nos figures comme si quelqu’un nous forçait à le faire. Je me prends au jeu et la sauce prend immédiatement : je grimace, je sens un peu de colère monter en moi et ma danse revêt soudain une cape lourde et contre-nature. Lucile avait-elle prévu mon aversion profonde envers l’autorité ? (Non). Curieuse, je sors de ma bulle pour observer discrètement les autres élèves : autour de moi, yeux fermés, les filles dansent pour elles et honorent un rendez-vous avec leur vie intérieure, chaotique ou non.
Danser la vie
Dernier exercice et pas des moindres. En marchant sur le rythme de la musique, je dois aller à la rencontre des autres danseuses, me connecter à elles (comprendre : trouver un eye contact) et prendre une pose (en ligne, toujours). La danseuse en face de moi me suggérera alors de « casser » ma posture, en m’indiquant par où commencer. J’appréhende un peu : j’étais bien dans ma bulle. Un peu sauvage, je m’autorise quelques tours de salle avant d’oser aborder quelqu’un. En face de moi, Caroline m’offre un grand sourire et appuie doucement sur mon bras. Je m’exécute en lui proposant ma plus belle prestation de poupée désarticulée.
Ravie, je termine la séance avec les cervicales décontractées, nourrie d’une énergie que je connais rarement l’hiver et sincèrement hallucinée d’avoir réussi à lâcher prise. Si j’osais, je demanderais à Lucile de passer la chanson de Sia pour lui montrer mes plus beaux grands jetés ratés, mais voilà, il est l’heure et tout le monde doit rentrer. Dans un élan de partage, mêlé de la fierté toute neuve de celle qui a franchi un cap intérieur, je lui confie qu’à la moitié du cours, j’ai senti des larmes monter subitement en moi. Les mouvements que nous devions exécuter, entièrement au sol, m’ont rappelé la manière dont j’avais l’habitude de me déplacer quand j’étais petite. Un sourire en coin, elle me répond que la ligne, c’est aussi la lignée… Décidément très forte, cette Lucile.