Cachez ce sein que je ne saurais voir !
Des Amazones aux Femen en passant par tante Simone, les femmes ont, dans l’Histoire, dénudé le mamelon pour affirmer quelque chose de l’ordre du pouvoir et de la liberté. Mais si Simone avait pléthore de copines en seule culotte comme elle dans les années 80-90 sur les plages aquitaines, on peut craindre que le 26 août prochain, soit la journée mondiale du topless, les femmes soient beaucoup moins nombreuses à se faire dorer l’aréole. Pourquoi ? Charlotte Saric
Emma, la petite-fille de Simone, a 20 ans, un corps parfait, des bas de maillot de bain fort échancrés et pourtant jamais sa poitrine galbée n’a vu un U.V. “Ce n’est pas par pudeur, quoique lorsque nous sommes à la plage avec des garçons, mes copines qui font habituellement du topless remettent le haut. Mais parce que je prends vite des coups de soleil, je me dis que sur cette partie du corps, ça doit faire horriblement mal.”
Prévention et prudence
Il est vrai que les campagnes de santé publique sont passées par là. On le sait, une trop longue exposition rogne le capital soleil et entraîne des cancers de la peau. Néanmoins, il a été prouvé qu’il n’y a pas de corrélation entre topless et cancer du sein, et l’exposition de la peau des bras, des jambes ou du ventre peut être aussi néfaste que celle de la poitrine. Il n’en faut pas moins pour écrire que bien badigeonnée d’écran total, on pourrait se permettre le dénudé complet. C’est cependant prendre le risque de se faire photographier et diffuser sur les réseaux comme le craint la jeune femme. En effet, comme le révèle une étude IFOP pour Xcams Media réalisée en 2021, “les jeunes de moins de 25 ans l’expliquent avant tout par des motifs d’ordre sécuritaire, à savoir la crainte d’être l’objet d’agression physique ou sexuelle (à 50 %), de subir le regard concupiscent des hommes (à 48 %) ou qu’une photo d’elles soit prise et publiée sur les réseaux sociaux (à 46 %)”. Sur OnlyFans, montrer son corps, d’accord, mais à condition que ce soit contrôlé, CQFD.
Summer Body Shaming
L’étude met en lumière une conclusion aussi intéressante que triste : il semblerait que depuis quelques années, ce sont majoritairement les femmes avec un niveau social et culturel élevé, avec une haute estime de leur capital physico-esthétique et avec une poitrine correspondant aux normes esthétiques en vigueur qui s’autorisent le monokini. Elles ne sont donc, depuis 2021, plus que 19 %. Un niveau historiquement bas, car elles étaient encore 34 % en 2009 et 43 % en 1984. Les diktats des canons de beauté étaient-ils alors moins répandus ? Ou jetait-on le regard des autres dans le ressac des vagues en même temps que son corps assumé ? On se souvient de ces femmes qui se promenaient le long de la grève, les seins à l’air et libres. Aujourd’hui, elles sont une majorité à s’autoriser à enlever le haut, uniquement si elles sont allongées sur le ventre (37 % à l’avoir fait au moins une fois). Même pas une sur cinq a déjà osé se baigner ou se promener seins nus.
Liberté sur et sous le sable ?
C’est en Italie ou en Espagne que, dorénavant, on voit du téton. Alors que les latines étaient moins émancipées que leurs voisines françaises à la fin du siècle dernier, de nos jours, ce sont elles qui nous donnent des complexes de liberté. Celle de se vêtir ou de se dévêtir. De s’exhiber ou de se cacher. Car dans un cas comme dans l’autre, où l’on opposerait de larges pans d’étoffes de tissus à quelques millimètres carrés seulement, dans une bataille du burkini vs monokini, aucune des deux tenues ne contrevient à la loi, le topless ne relevant pas de l’article 222-32 du code pénal sur le délit d’exhibition sexuelle. Demeure que certains arrêtés municipaux l’interdisent, mais en dehors des étendues de sable, et verbalisable autant pour les messieurs que pour ces dames.
Alors oui, on pourrait avoir envie d’aller sur une plage à Capri. Il ne faudrait cependant pas que ce soit mu par la chance d’y trouver une liberté que l’on n’a plus au Ferret. Laissons une chance à la houle de défaire et d’emporter avec elle le haut de nos maillots… de laisser nos poires, pommes et gants de toilette se faire caresser par le soleil si, pendant ce doux temps de l’été, cela nous fait plaisir !