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Laora Climent « La force des libertés individuelles peut changer le cours de l’histoire »

Autrice et metteuse en scène de la compagnie théâtrale Okto, Laora Climent s’intéresse aux marginaux de l’Histoire et aux mécanismes de domination. Deux parties pris bien ancrées dans le caractère des deux dernières pièces Levez-vous pour les Bâtard.e.s et Patty’s got a gun, programmées en Gironde début 2025.

Laora Climent, vous aimez la grande histoire comme les petites… Racontez-nous celle de la compagnie Okto !

A la fin de mes études de théâtre, je me sentais frustrée d’être cramponnée à des personnages en fonction de mon apparence. Un phénomène assez commun pour les actrices. Celle qui est drôle jouera la servante dans Marivaux, celle qui a l’air douce fera Agnès dans L’École des femmes… Ce sont des stéréotypes qui reproduisent les normes et les codes d’un système dominant. J’ai donc posté une annonce sur les réseaux sociaux, en invitant les personnes qui voulaient travailler sur un projet ouvertement féministe à me rejoindre… C’est ainsi qu’Okto est née. Avec les autres membres de la compagnie, nous ressentions toutes le besoin de nous éloigner du regard masculin et d’investir les corps de manière différente.

Comment présente-t-on la compagnie Okto ?

Je la présenterais comme une troupe à majorité de femmes, féministe et politiquement engagée. L’écriture de nos pièces s’appuie sur le principe d’uchronie, c’est-à-dire la réécriture d’événements historiques du point de vue des perdants et des marginaux, ce point de vue qui prouve que, par la force des libertés individuelles, on peut changer le cours de l’histoire ! J’ajoute que nous travaillons avec une musicienne, Justine Gaucherand, qui participe à tous nos spectacles.

Quelle était votre intention, en écrivant Levez-vous pour les bâtard.e.s ?

Dans cette pièce, sept femmes décident de réhabiliter la mémoire de Judith Shakespeare, sœur oubliée de William, qui serait pourtant la première actrice à être montée sur scène au XVIIe siècle en Angleterre, malgré l’interdiction d’Oliver Cromwell, puritain anglican. Parallèlement, ce récit est aussi celle d’un groupe qui se confronte à la difficulté de raconter un destin sans reproduire les stéréotypes de genre. Ce spectacle est avant tout le fruit d’un travail de co-construction avec les actrices de la compagnie, guidées par la nécessité de créer un nouvel imaginaire ensemble, ainsi que des personnages dans lesquels d’autres personnes peuvent se retrouver.

La scène « Rendez-vous en territoire inconnu » fait particulièrement réagir le public. Dans un univers parallèle où le patriarcat est mort depuis 2000 ans, un village résiste : celui des virilus erectus… Comment cette idée est-elle née ?

Effectivement, Fred et son invitée découvrent un endroit étonnant, le camp des derniers masculinistes. Au départ, l’idée a été testée en improvisation : 45 minutes pendant lesquelles nous avons beaucoup ri ! Mais jugeant qu’elle s’éloignait trop de la dramaturgie initiale, j’annonce aux actrices que nous ne la garderont pas. A la pause déjeuner, une comédienne me montre une vidéo de David Pujadas qui présente un reportage sur ce type de camp. Nous nous rendons compte que nous n’étions pas du tout dans la caricature. Aujourd’hui, ce type de phénomène pullule. Ces hommes peuvent nous sembler sincèrement vulnérables, mais ils agressent et tuent, aussi. Nous nous devions de montrer ce danger, c’est pourquoi nous avons fait le choix de maintenir cette scène, qui provoque en effet des réactions très fortes. Le théâtre n’est pas là pour créer le consensus mais pour provoquer la discussion !

Patty’s got a gun sera jouée à la Scène nationale Carré-Colonnes en mars prochain. A quel public s’adresse ce spectacle ?

On s’inspire ici d’une affaire de 1975 aux Etats-Unis : l’enlèvement de Patricia Hearst par l’Armée de libération symbionaise, un groupe d’activistes de gauche. Dans Patty, nous reprenons ce fait divers à la même époque, mais en France : Patty Gholorré, fille de Vincent Gholorré, est enlevée par un groupe d’activistes féministes. Après quelques semaines de captivité, comme c’est le cas dans la véritable histoire, elle renie sa famille et rejoint la cause. Ce feuilleton médiatique et grinçant profite de personnages hauts en couleurs pour explorer la notion de violence politique des femmes. Il s’adresse à toutes celles et ceux qui ont besoin de voir des gens lutter et qui refusent d’abandonner la partie.

Levez-vous pour les Bâtard.e.s, le 11 février au Glob Théâtre (Bordeaux)

Patty’s got a gun, le 18 mars à la Scène nationale Carré-Colonnes (Saint-Médard-en-Jalles)

Mordiable (fable fantastico-médiévale et conte musical), à partir du 1er juillet 2025 au théâtre du Cloître de Bellac (87)

Plus d’informations sur https://compagnieokto.fr/

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