avenuecarnot
Home / rencontre  / Julia Mouzon, quand les élues locales s’entraident

Julia Mouzon, quand les élues locales s’entraident

En progression, la place des femmes en politique reste cependant insuffisamment représentative. La bordelaise Julia Mouzon, à la tête d’Élues locales, organisme de formation et de mise en réseau, tente de remédier à ces carences. Jean Berthelot de La Glétais

Il suffit, parfois, d’une conversation en apparence anodine pour changer un destin. Dans le cas de Julia Mouzon, il s’est agi d’une discussion à la machine à café du ministère des Finances, il y a une quinzaine d’années. « J’avais remarqué qu’il y avait très peu de femmes dans la hiérarchie. Et un jour, une collègue m’a dit qu’elle renonçait à ses ambitions car elle allait avoir un deuxième enfant. Elle est partie travailler dans un service administratif, plus en retrait et moins dans l’action, éloigné de ses envies. Je me suis dit que si toutes les femmes en faisaient de même, elles resteraient très durablement écartées de la construction des politiques publiques. » Alors en 2011, depuis Bordeaux où elle vit après des études à Polytechnique notamment, Julia Mouzon quitte le ministère des Finances. Elle lance Élues locales, un organisme dédié à deux axes prioritaires : la formation et le réseau. « La formation, afin de leur donner des outils pour comprendre les codes et le fonctionnement des institutions. Le réseau, pour le développer, échanger avec d’autres élues, nouer des contacts avec elles » savoir comment aborder des problématiques propres aux femmes qui exercent un mandat à l’échelon d’une municipalité ou d’une intercommunalité, par exemple. « Il peut y avoir une dimension de proximité très agréable, mais aussi un enfermement dans un huis clos de conseil municipal qui fonctionne mal. En particulier pour des élues, qui arrivent dans un environnement historiquement masculin, et même resté longtemps exclusivement masculin. Elles doivent bousculer ces codes-là, dans un monde qui change. »

Seul un maire sur cinq est une mairesse

Depuis le dernier scrutin, en 2020, la proportion des femmes dans les conseils municipaux est passée à 42,4 %, en progression de 3 % par rapport aux élections de 2014. Mais les femmes ne sont encore que 19,8 % à s’asseoir dans le fauteuil de maire, contre 16,9 % six ans plus tôt. « La situation s’améliore, et le sujet est d’ailleurs régulièrement mis sur la table alors qu’il était le plus souvent ignoré. La loi sur les conseils départementaux, en 2015, a aussi revêtu une importance particulière », instituant un scrutin binominal majoritaire, présentant ainsi sur chaque canton un binôme femme-homme. « Mais il faut aller beaucoup plus loin, en particulier pour freiner les renoncements dus à la violence vis-à-vis des élus, encore plus marquée quand on est une femme. Cela passe par la prise de conscience de leur légitimité, c’est la première étape. La deuxième consiste à leur permettre de s’approprier les sujets qui les intéressent, notamment l’urbanisme, les services techniques, les finances. Le plus souvent, elles sont cantonnées à la petite enfance ou à l’éducation par exemple, qui sont des sujets intéressants et importants mais qui ne devraient pas leur être exclusivement dévolus. »

Élues locales s’est fixé trois objectifs prioritaires : la parité dans les communes de moins de 1000 habitants, celle dans l’exécutif des conseils communautaires, et enfin un binôme femme-homme à la tête des exécutifs locaux. Toujours basée à Bordeaux, elle essaime dans toute la France, en proposant des journées d’échange et des formations donc, et en portant une forme de lobbying, comme cette charte Ma Ville Égalitaire coconstruite avec Les Glorieuses, ou cette tribune En 2020, halte au sexisme en politique, portée par plus de 100 candidates têtes de liste et largement relayée à travers la France. « Il y a beaucoup d’enthousiasme et d’énergie dans cette aventure, et nous voyons qu’elle a du sens lorsque des élues viennent nous voir en nous disant qu’elles envisageaient d’abandonner, mais qu’elles vont finalement continuer. C’est notre plus belle récompense », conclut Julia Mouzon.

PAS DE COMMENTAIRES

POSTER UN COMMENTAIRE