Contraception masculine : le boom de la vasectomie
Plus de 30 000 vasectomies, méthode de stérilisation définitive, ont été réalisées en 2022. C’est quinze fois plus qu’en 2010. Une volonté, pour certains hommes, d’assumer la charge contraceptive au sein du couple. Marion Ruaud
« Pilule, stérilet avec ou sans hormone, ma femme a donné ! », lâche Quentin*, 46 ans. Avec Anne-Laure, ils ne veulent plus avoir d’enfants. Alors le choix de la vasectomie a fait son chemin. « Ça sera un poids en moins pour elle, ça lui enlève une charge mentale et pour moi, ça ne change rien », confie-t-il. Une démarche réfléchie à deux : « Certes, j’ai fait ma part mais je ne veux pas le forcer, rien lui imposer, je veux que ce soit une volonté commune », avoue Anne-Laure, 46 ans.
Lors d’une vasectomie, les canaux déférents sont bloqués et coupés pour empêcher les spermatozoïdes de rejoindre l’urètre et d’être éjaculés. L’intervention chirurgicale de dix minutes environ, généralement sous anesthésie locale et réalisée par un urologue, convainc de plus en plus d’hommes. En effet, selon une étude conduite par le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare, 30 288 vasectomies ont été réalisées en 2022 (contre 1 940 en 2010). L’étude montre aussi qu’il y a eu davantage de stérilisations masculines que féminines (ligature des trompes), pour la première fois en France, en 2021 et 2022.
Irréversibilité
Mathieu, père de quatre enfants, a sauté le pas il y a deux ans. « Quand la question de ne plus vouloir d’enfants s’est posée, c’est moi qui ai amené le sujet de la vasectomie sur la table », se souvient-il. L’opération doit être présentée comme « permanente et irréversible », indique la Haute Autorité de Santé. En effet, il est difficile de revenir en arrière. Un acte de réparation est possible par vasovasostomie mais les résultats sont très variables. La volonté du patient doit être « libre, motivée et délibérée ». Pour cela, un délai de réflexion de quatre mois est obligatoire entre la demande initiale et la réalisation de la stérilisation.
Si la vasectomie est de plus en plus répandue, sa prise en charge l’est beaucoup moins. Quentin et Mathieu pointent du doigt un manque de clarté sur le sujet. Depuis 2012, l’opération est remboursée par l’Assurance maladie. Le coût varie entre 60 et 65 euros. À cela s’ajoutent ceux de l’anesthésie et de l’hospitalisation. Toutefois, le prix varie en fonction des dépassements d’honoraires pratiqués.
Impact zéro sur la sexualité
Ce montant, plus ou moins élevé, peut représenter un vrai frein. Pour une intervention qui s’élève à 500 euros (dépassements d’honoraires inclus), 120 euros sont remboursés par la Sécurité sociale et la mutuelle de Quentin. Il devra sortir de sa poche 380 euros. Mathieu, opéré à la clinique Bel-Air, a déboursé quasiment la même somme : « J’ai trouvé hallucinant de devoir dépenser autant pour cette démarche aussi engageante, j’ai eu l’impression de payer pour un acte de chirurgie esthétique ! ».
La vasectomie n’est efficace qu’au bout de huit à seize semaines et environ vingt éjaculations pour une disparition totale des spermatozoïdes. Elle n’a pas d’incidence sur l’érection ni l’éjaculation et ne modifie pas le plaisir sexuel. Des sujets qui peuvent faire partie des idées reçues entendues : « L’urologue me racontait que certains hommes avaient la sensation de se faire émasculer, de perdre leur virilité ou de devenir impuissants », relate Mathieu.
Contraception masculine : le boom de la vasectomie
La question de la ligature des trompes, méthode de stérilisation féminine, ne s’est pas posée chez les deux couples. « Si jamais il m’arrive quelque chose ou si on se sépare, je ne veux pas que ma femme ne puisse plus avoir d’enfants. Au fond, c’est plus un choix personnel que collectif », tranche Mathieu. « C’est sûrement une opération plus lourde et je me dis qu’Anne-Laure a déjà beaucoup donné, c’est chacun son tour », rebondit Quentin.
Les délais peuvent être longs avant d’obtenir un rendez-vous. Pour Quentin, ce sera en juillet, à l’hôpital Pellegrin mais il dû patienter trois mois : « Au téléphone, le secrétariat m’a répondu que ça pouvait attendre et que les vasectomies passaient après des interventions bien plus urgentes ». Pour le couple, l’opération arrive à point nommé car Anne-Laure doit bientôt changer son stérilet. « C’est décidé, pour mes 47 ans, je vais m’offrir une
vasectomie ! », s’exclame-t-il. Quant à Mathieu, discret sur le sujet, il n’a aucun regret : « C’est vrai que je n’en parle jamais avec mes amis, plus par pudeur, jamais par honte. Mais si mon témoignage peut éveiller les consciences et engager des réflexions, tant mieux ».
*Le prénom a été modifié