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Grand Corps Malade : « J’ai une vraie nostalgie, une mélancolie »

Grand Corps Malade

Depuis près de 20 ans, Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade touche les sensibilités grâce à ses textes poétiques, à travers le slam, véritable poésie déclamée sur l’espace public. Depuis Midi 20, son premier album en 2006, ses écrits ont marqué les époques, et il poursuit, aujourd’hui, sa traversée du temps. Avec son dernier album, Reflets, l’artiste évoque ceux d’une époque traversée. Rencontre avec Grand Corps Malade à l’occasion de sa venue à l’Arkea Arena de Bordeaux. Claire Mayer 

 

Pourquoi avoir utilisé le slam comme moyen d’expression ? 

Le slam n’est pas un genre musical, c’est juste un moment de rencontre. Dans les « soirées slam », les gens se rencontrent, dans les cafés, pour échanger des textes, avec le plaisir de partager des mots. Il se trouve que je suis un slameur, je viens de là, mes textes sont scandés en musique. J’adore le rap, j’en ai écouté beaucoup, mais le slam et le rap n’ont pas du tout la même naissance. 

Je n’ai pas choisi le slam, je suis tombé dessus par hasard : j’ai commencé à participer à ces soirées-là, j’ai adoré, je suis resté. Je n’ai jamais décidé d’être artiste, de faire de la musique mon métier, ça m’est tombé dessus par hasard en rencontrant une soirée slam. 

 

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans le slam ? 

Ce que j’ai aimé, c’est le plaisir d’échanger des textes, avec des amoureux des mots. Il n’y avait rien à gagner, rien à perdre, juste le plaisir de le faire. J’ai découvert que moi aussi j’aimais les mots, j’écoutais énormément de chansons et de rap français, j’aimais ça. Ça m’a paru assez naturel de m’y mettre. Ensuite, ça a pris une tournure que je n’avais pas prévu, ça s’est professionnalisé, j’ai décidé de mettre mes textes en musique et de laisser une trace de tout ça. 

 

Comment votre musique a-t-elle évolué au fil du temps, de votre vie ? Est-ce la musique qui a évolué avec vous, ou votre vie qui a évolué avec la musique ? 

Ça fait bientôt 20 ans que je fais de la musique. En 20 ans, la vie évolue, les thèmes aussi, donc forcément ce qu’on écrit est évidemment lié au temps qui passe. La musique évolue aussi derrière mes textes, avec l’envie de se renouveler, d’aller chercher des choses un peu différentes pour les accompagner. 

 

Vos premiers textes sont-ils plus sombres que ceux d’aujourd’hui ? 

Pas du tout ! Je refuse cela. Beaucoup me disent ça, parce que le premier c’était « Les voyages en train ». Mais dès le premier album, il y avait « Ma tête, mon cœur et mes couilles » qui était une vraie blague, « Je ne connaissais pas Paris le matin », ou encore « Je dors sur mes deux oreilles » qui est sans doute, jusqu’à aujourd’hui, mon texte le plus positif… Il y a une espèce de fausse croyance, parce que les médias ont peut-être relayé un ou deux textes qui étaient plus sombres. Dès le premier album, j’ai toujours voulu que ce soit très varié en termes d’humeur. Dans le même album, il y a des textes durs, graves, sombres, mais aussi légers, drôles, c’est comme cela depuis le tout début. 

 

Diriez-vous que vous êtes quelqu’un de mélancolique ? 

Ça oui. J’ai une vraie nostalgie, une mélancolie, mais elles me nourrissent, ce n’est pas quelque chose qui me casse le moral, qui m’empêche d’avancer, qui me plombe. C’est davantage quelque chose qui me met dans un état plutôt agréable, qui me permet de créer, ce n’est pas négatif. Ces souvenirs-là, je m’en nourris, et aujourd’hui c’est plutôt une force. 

 

La mélancolie serait-elle le fil conducteur de ces vingt dernières années de création ? 

C’est certainement un des moteurs, mais il n’y a pas que ça. Je revendique et je pense être quelqu’un qui vit dans le présent. J’ai cette capacité à prendre du recul pour profiter du moment présent, profiter tout court, pour être en lien avec mes proches, ma famille, mes enfants. 

 

Parlez-nous de votre nouvel album, quelle est sa dimension ? 

Chaque album est un petit bilan, un état des lieux de là où on en est. L’album s’appelle Reflets parce que je parle à la fois des reflets de notre époque, du public aussi, comme s’il se reflétait dans mes paroles, à moins que ce soient mes chansons qui se reflètent dans le reflet de la vie des gens et du public… Je me rends compte qu’on est un peu les mêmes, on évolue, on grandit ensemble, on vieillit ensemble. Souvent, des gens m’arrêtent dans la rue pour me remercier pour tel ou tel texte, ou phrase, en me disant « j’ai l’impression que vous l’avez écrit pour moi ». Ce sont cela, ces reflets, le miroir des uns et des autres. Sur cet album, une fois de plus, les thèmes, les humeurs sont assez variés : je parle de l’enjeu écologique, de l’amour, des enfants… Un des titres s’appelle « C’est aujourd’hui que ça se passe », de la notion, justement, du présent, et de bien vivre dans le présent. Je raconte des histoires, ce que j’observe, dans un café rue Lafayette… 

 

Vous connaissez Bordeaux ? 

Je suis venu uniquement pour les tournées, mais j’ai déjà eu l’occasion d’aller boire un verre après, quand on est à l’hôtel, de manger un bout… Je ne connais pas très bien la ville, mais de ce que j’ai vu, il y a des coins très agréables. Le public bordelais, en tout cas, répond toujours présent ! 

 

Quel est votre meilleur souvenir de concert ? 

Les plus marquants sont ceux qui ont eu lieu très loin. Par exemple, mon premier concert au Québec, ou à Kinshasa en République Démocratique du Congo… Souvent, je prends du recul, et je me dis que c’est incroyable que les gens m’attendent, qu’ils connaissent mes textes aussi loin de chez moi. La première fois que j’ai chanté à Montréal, que j’ai vu les gens se lever, applaudir, c’est la magie de la musique, mais je trouve toujours incroyable que la musique voyage ainsi, et que des textes, écrits dans un appart, sur un bureau, dix, quinze ans plus tard, soient chantés en chœur par ces Congolais au milieu de Kinshasa, ou dans une petite ville au nord du Québec… 



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