L’envol de François Adamski
Le chef au col tricolore a fait briller la Place de la Bourse du spectre d’une étoile. Aujourd’hui, le cuisinier natif du Pas-de-Calais fait voyager et rayonner la gastronomie française à dix mille pieds dans les airs. Rencontre avec un homme de challenges. Charlotte Saric
Vos premiers pas à Bordeaux, au Gabriel, place de la Bourse, c’est le carton plein : une étoile dès la première année et un bib gourmand pour la brasserie. À quel point est-ce gratifiant ?
C’est une très belle récompense en si peu de temps.
C’était un véritable challenge car nous avions plusieurs espaces : la brasserie, la terrasse et le restaurant gastronomique. Tenir toutes ces équipes sur plusieurs étages, ce n’était pas évident. Nous devions faire exister un lieu que personne ne connaissait.
Est-ce une place importante, Bordeaux, dans la gastronomie ?
Oui, il y a toujours eu des chefs : Amat, Garcia, Etchebest… Robuchon et Gagnaire sont venus et partis. Je suis également ravi de voir que le Gabriel accueille un nouveau chef d’exception, Bertrand Noereuil et qui va faire parler de lui ! Mais il y a aussi les alentours, des restaurants étoilés, à Bouliac, à Saint-Émilion. Il y a toujours eu de beaux établissements.
Vous travaillez dorénavant avec Air France, pouvez-vous nous en parler ?
Je travaille chez Servair depuis 2019. Air France est notre principal client, mais nous avons également d’autres compagnies. Être corporate chef, c’est être garant de la qualité culinaire, mais également former le personnel de cuisine. Ce poste est très riche, très prenant, car il y a de nombreux sujets […]. Au total, nous réalisons 80 000 repas par jour. Entre l’aérien, les salons, la formation, les signatures, c’est varié, il n’y a pas de journées identiques. C’est pour cela que c’est intéressant.
Quelles sont les contraintes quand on conçoit des plateaux repas qui seront réchauffés et servis en altitude ?
Un cahier des charges strict est donné aux chefs signature qui déterminent la faisabilité des plats. Il y a certaines contraintes, c’est évident ; en voici quelques-unes : pas de poisson cru en avion ni d’abats, les températures de cuisson à respecter pour une sécurité alimentaire draconienne. Tout est cadré au maximum.
Travailler avec un cahier des charges bien précis, c’est accepter les challenges. Vous êtes également un homme de concours : Bocuse d’Or en et MOF en 2007. Que vous ont appris ces concours ?
L’enseignement à tirer, c’est qu’on apprend tous les jours et que seuls le travail, la rigueur, la régularité et l’ouverture d’esprit sont importants. Rigueur et régularité, ce sont pour moi deux mots forts, c’est le plus important dans les concours comme dans le travail quotidien. […]
Mettre en lumière la cuisine, en se mettant parfois sous les projecteurs comme dans les émissions TV, c’est permettre une reconnaissance du métier, des savoir-faire ?
Évidemment ! Paul Bocuse nous a fait sortir de nos cuisines. Nous avons suivi cet exemple. […] J’aime mon métier, j’aime les gens, j’aime partager, échanger. Souvent, je dis qu’avec Air France, on fait rayonner la gastronomie française à travers le monde grâce aux chefs signature comme Anne-Sophie Pic, Régis Marcon, Guy Martin, Michel Roth, Arnaud Lallement, Emmanuel Renaut, Arnaud Donckele, Glenn Viel, Frédéric Simonin, mais également Philippe Rigollot, Nina Métayer, Philippe Urraca et bien d’autres encore qui sont des sommités du métier.
Aujourd’hui, peut-on affirmer que le bien manger est l’affaire de tous et même un droit ? Et que c’est pour ça que vous proposez également des repas en EPHAD ?
Le bien manger devrait être la norme. Effectivement, il est important de bien manger dans les cantines comme ailleurs. […] D’autant plus dans les EPHAD, parce que c’est un des derniers plaisirs des résidents. Lorsque l’on voit le sourire ou parfois les larmes de satisfaction des personnes âgées, c’est du bonheur, c’est gratifiant et c’est une vraie récompense pour le travail que l’on a engagé.
À titre plus intime, il semble que la langue de bœuf sauce piquante soit votre plat favori, votre grand souvenir des repas familiaux. Et vous, quel plat laisserez-vous en héritage aux vôtres ?
C’est un plat que me faisait ma mère et que j’adorais. Je crois qu’aujourd’hui, je peux dire que mes enfants adorent la blanquette de veau et le pot-au-feu. J’espère qu’ils auront les mêmes souvenirs émus que moi à leur âge.
Dans le futur de François Adamski, qu’est-ce qui est écrit ?
Rien n’est écrit ! Rien n’est fixé. Aujourd’hui, je suis bien et heureux à ce poste car il n’y a pas une journée pareille, […] donc il n’y a aucun ennui. Seul le temps manque pour tout faire. Tout mener de front n’est pas simple, mais je suis un jusqu’au-boutiste.
Pour finir, de toutes vos réalisations professionnelles, quelle est celle qui vous a le plus marqué ?
Le Bocuse d’Or est un concours phénoménal, le Meilleur Ouvrier de France également, l’obtention d’une étoile l’est tout autant. Toutes ces récompenses apportent beaucoup d’émotions. Il est donc impossible de choisir.