Lescure de jouvence
Fêter un centenaire, pour un édifice, c’est moins impressionnant que pour un individu. Néanmoins, lorsque cette célébration se termine en point d’orgue par un formidable match de gala qui a enthousiasmé presque 30 000 personnes, cela devient le genre d’anniversaire dont une ville se souvient.
Parc des Sports dès l’origine, ayant vécu un changement d’état civil (Lescure -> Chaban Delmas), le stade bordelais, inauguré le 30 mars 1924, a, dans sa mémoire de vieillard, de très belles grandes messes sportives. Il y a eu, le jour de l’inauguration, un match de rugby opposant le CA Bègles vs. Stade Bordelais, à une époque où ces clubs n’avaient pas encore fusionné. En 1931, le Tour de France y fait étape. La Coupe du Monde de 1938 est accueillie lors du match Brésil vs. Tchécoslovaquie. Cinquante ans plus tard, rebelote avec six matchs sur la pelouse de Lescure dont un superbe Argentine vs. Croatie. Puis, à partir de 2015, le scapulaire quitte les vestiaires au profit du Matmut Atlantique, laissant place à un ballon de forme ovale, mené par l’UBB qui, avec ses excellents résultats, redonne vie à ce stade alors que, par ailleurs, les Girondins tombent de Charybde en Scylla jusqu’à la lie de la L2.
Gigi-rondins, gigi-resse, gigi-gantesque
Jadis, le FCGB enthousiasmait ses supporters, remportait à peu près toutes les décennies un titre de Champion de France (1987, 1999 et 2009 pour les trois derniers titres – sur six) et sans la Cadillac rose de Claude Bez, pas de challenge pour Bernard Tapie et d’épopée européenne pour les Marseillais, CQFD! On se souvient avec émotion de Giresse et Battiston, puis de Zidane, Duga et Lizza, et de Gourcuff et Chamakh. On voudrait bien sûr se souvenir de tous, de Gernot Rorh, de Jean-Pierre Papin et de Jean-Claude Darcheville et de sa bonhomie, des père et fils Dropsy et la liste est longue. Mardi 15 mai, ils étaient presque tous là, et pour la plupart crampons aux pieds.
Certains ont perdu leurs cheveux, d’autres les ont vu blanchir, quelques kilos se sont ajoutés chez deux ou trois joueurs, les années ont passé, mais ils avaient tous le sourire et l’allant pour jouer et le « grand » Alain Giresse, 71 ans, de galoper toute une mi-temps!
90 minutes de bonheur partagé pour la bonne cause
À l’instar de la grande époque, Pauleta nous a gratifié d’un doublé et Carrasso a enchaîné les arrêts. Gaby, le speaker historique du stade, commentait ces actions parfois brouillonnes mais dans une ambiance chaleureuse et populaire. Habitué aux victoires, le Variété Club de France qui comptait sur sa feuille de match Fabien Barthez (qui avait, pour l’occasion quitté ses cages pour courir sur le gazon), Christian Karembeu, Yannick Noah, Robert Pirès (qui ne lâchait rien) et Paul Mirabel entre autres, a, ce soir-là, concédé une défaite. En effet, ce club de personnalités et de retraités du football, qui existe depuis 50 ans, et joue tous les week-ends pour des causes solidaires, gagne généralement tous ses matchs. Celui-ci est donc une exception, mais les fonds récoltés sont toujours pour des associations, en l’occurrence le Secours Populaire et la Fondation Abbé Pierre. C’est la billetterie (sold out en quatre jours) qui a permis de générer une belle cagnotte. Dans le paddock, Bixente précise d’ailleurs qu’ « on a les jambes plus lourdes qu’avant, mais jouer pour des asso’, c’est pour ça qu’on remet le short ». Et son ami d’ici, Christophe Dugarry, d’avouer qu’il s’est entraîné pour éviter une blessure, mais qu’il n’a pas mis pour autant le holà sur les gin to ! Oui, parce qu’avec toute cette joie, ce soir-là, on n’avait qu’une envie : trinquer. Et que cela dure, en valent pour preuve les interminables arrêts de jeu.
On a également envie de se prendre à rêver d’un avenir proche où un ballon rond ferait à nouveau la fierté de la municipalité. Il reste une année avant de fêter les dix ans du Matmut, le temps de fantasmer une remontée en Ligue 1 ?